Mon bon Léo, la fin est imminente. Ecoute !
N'entends-tu pas ce rien révélateur qui plane ?
Vois-tu, les mots ont migré de langueur. Tiens, goûte !
Ici-bas, tout n'est plus que fadeur qui se fâne.
Les voyageurs d'outre-temps ont brisé, Léo
Leur paisible sillon par-delà les époques
Car, horreur nos misérables cerveaux en toc
Les ont laissé moisir au fond de livres clos !
Pourtant naguère bien loin d'être démodés,
Les mots, berceau de l'âme servaient de modèle
Mais nos pauvres esprits en pâte à modeler
Leur ont tordu le cou et cisaillé les ailes !
Et tant pis si demain un monde monochrome
Habille vos pensées plates et uniformes !
Tant pis s'il faudra respirer du chloroforme
Pour noyer le remords avant qu'il nous assomme !
Il est déjà trop tard puisque les mots ont fui
Loin de cauchemardesques âmes flétries
D'avoir tant vénéré ce maudit Dieu écran
Quand la poésie, elle, allait agonisant.
Et puisque c'est bien toi qu'ils viennent retrouver,
Ouvre grand ton coeur froid de ne rien plus pomper
Et recueille, Léo, ces oubliés d'antan.
Ce sont tes orphelins, et ce depuis douze ans.