SOUVENIR DE TROIE

« L’aurore ne succéda pas à l’aube qui ne précéda pas au crépuscule de ce matin de février. »

Imaginez la concrétisation de l’impossibilité proposée par ce vers dénué de sa véracité et le fait vrillé par l’énoncé résidera, dès lors, dans l’ampleur de l’incidence enfantée d’une telle réalisation qui, en cette journée fut pour moi, engendrée par la personnification de l’essence même de la vénusté.

Mais à présent, de cet instant passé où elle fit renaître un printemps au cœur de février, il ne me reste qu’une frêle pensée côtoyée par l’oubli tout comme le froid bordait celle de Saint-Exupéry. Ainsi, afin de la préserver, je la nourris de versets recueillis sur les versants d’un esprit séduit par le fruit conjugué du rêve et de la réalité pour la recouvrir d’une apologie composée de souvenirs jalousement conservés telle l’intimité d’un journal cadenassé.

À l’aube de ces souvenirs s’élève un sourire irradiant les traits de son visage fleurissant. Sous l’effloraison de ses pommettes brossant l’horizon du rosé de ses fossettes, le germe originel du sourire qu’elle revêtit et justifia mieux que sylphide renaît hors de sa chrysalide pour devenir l’unique pensée limpide d’un fleuve de mémoires devenues à leurs tours insipides à l’ombre de sa splendeur. Jours après jours, cette image qui ne cesse de refaire surface au cœur de ma raison dépose une offrande de gemmes à même limon du cours de mon imagination. Les perles, aussi précieuses que le sourire qui les dévoile, bordent l’autel qui se dresse sous un regard idyllique. Aussi incisif que l’Opinel, mais tout aussi doux que l’instinct maternel, le regard fait de sa personne le temple qui met en valeur l’idole que je contemple. Les pieds ancrés au carrelage comme l’encre sur les pages de mon récit, mon esprit vogue sur l’ampleur de la scène qui se joue et devient flou, vagues devenant flots ce heurtant aux récifs mis en scène par sa beauté. Naufrage sans naufragé puisque l’on y gagne plus à s’y perdre, car l’on s’y baigne plus que l’on s’y noie. Échue sur les rives de mes rêveries, une soif se fait ressentir comme un inexorable désir de réalité qui s’agite en moi. S’il m’était permis d’y trouver gîte… en mémoire de Chateaubriand, je ferais de l’épave une table sur laquelle je pourrais la décrire puisant une inexhaustible source d’inspiration de son bonheur dont je ferais ma raison première. Accompagnée par une kyrielle de phonèmes, ma solitude se laisserait emporter au gré d’un phénomène harmonique hors de portée. Sa voix de miel d’ont l’accent saurait faire d’une voyelle aphasique l’opus en plus du corpus des mélodies aussi douces que la brise parfumée de l’arôme des lotus du Nil, fait de la mesure le berceau qui ne saurait dicter ni dièse ni bémols accueillant l’union parfaite entre le son et le ton de ses paroles.

Seule pensée qui puisse encore me faire oublier l’inévitabilité, la seule certitude que j’ai de voir mon âme et celles de ceux que j’aime un jour expirer dans un monde qui n’aura pas cru au changement. Le répit qu’elle me procure édulcore les pulsations de ma raison et demeure la raison première pour laquelle je la remercie ainsi.


SNOZA (aka P.A.) // 2005.06.20